C'est ce que dit Bachelard, lui qui a tant contribué à la construction des imaginaires et qui ajoute d'ailleurs :
"on ne peut étudier que ce qu'on a d'abord rêvé".
En 2010, une chaire de recherche et de formation "Modélisations des imaginaires, innovation et création" a été créée, pour une durée de 5 ans entre deux institutions académiques, l'Ecole Télécom Paris Tech et l'Université Rennes 2 avec d'autres partenaires industriels mécènes, et la tenue des "jeudis de l'imaginaire", ouverts à tous, a donné lieu à une très jolie petite collection aux Editions Manucius : J'y ai lu avec délice les conférences de Lionel Naccache : "de quoi prenons nous conscience?", d'Etienne Klein : "d'où viennent les idées?" et cet après midi, au soleil venteux d'Aix : "les voies de l'innovation : les leçons de l'histoire" de François Caron. Un vrai bonheur de mieux comprendre "dans les processus d'innovation, le cheminement par les perceptions, les émotions et les représentations", qui a été jusque là peu exploré !
!
Homme de Néandertal -36000 ans
Sur un mode plus anecdotique, j'ai toujours seriné à mes enfants, dès leur première jeunesse, qu'ils auraient à "inventer" leur vie. Ni l'un ni l'autre ne me le reproche me semble -t-il - d'ailleurs, un héros contemporain, Steve Jobs n'a t-il pas dit lui même : "il n'y a qu'un moyen de prédire l'avenir, c'est de l'inventer" - mais qu'est ce donc que cette capacité à "créer", à quelles dispositions la doit-on ?
D'abord, établir une distinction nette entre "créatifs" et "créateurs" : les "créatifs" créent à partir d'une intention pré-définie avec un objectif pré-défini , les "créateurs" captent de l'imaginaire et modèlent des formes inattendues, non prévisibles.
Quand il s'agit de "création", je ne suis pas si sûre qu' il s'agisse de produire quelque chose de "rien", comme on le dit trop souvent : de mon point de vue, "tout" est toujours là, à portée. Il s'agit plutôt de cette capacité singulière de chacun à saisir, manifester, puis incarner et faire vivre à travers soi, une sorte de condensé de ce tout, de cette matière invisible disponible, mais sous certaines conditions.
Du point de vue du comportement, The Huffington Post a publié le 11 mars dernier ; "Créativité : 18 choses que les gens créatifs font différemment des autres" ; l'article me semble assez clair.
Je résume :
1) ils rêvassent,
2) ils observent tout ce qui est autour d'eux,
3) ils travaillent aux heures qui leur conviennent,
4) ils prennent le temps d'être seuls,
5) ils contournent les obstacles de la vie, soit transforment les traumatismes en solutions créatives,
6) ils sont toujours à la recherche de nouvelles expériences - curiosité intellectuelle, ouverture aux émotions, aux fantasmes, exploration cognitive et comportementale du monde -,
7) ils échouent, mais persévèrent,
8) ils posent les bonnes questions,
9) ils observent les autres,
10) ils prennent des risques,
11) tout est prétexte à occasion de s'exprimer - l'expression créative est une expression individuelle singulière -,
12) ils réalisent leurs vraies passions - leur motivation à agir vient d'un désir intense, intérieur,
13) ils sortent de leur tête - ils exploitent d'autres façons de penser,
14 ) ils perdent la notion du temps dans les états de concentration,
15) ils s'entourent de beauté,
16 ) ils établissent entre les choses des connexions que les autres ne voient pas - c'est cela au sens propre "l'intelligence",
17) ils élaborent des visions, soit des possibles, là où les autres n'en voient pas, et font par la même font bouger les choses,
18) ils consacrent du temps à la méditation - esprit clair et concentré.
Et pourtant, décider de son temps, de son rythme singulier, méditer, rêver, accepter d'échouer, prendre des risques, se laisser inspirer...bref, rien de ce qu'on apprend à l'école aux enfants, rien de ce qu'on valorise dans notre société !