"Elle était là, dans le sac de Mabrouk... C'était la tête de mon fils. Les terroristes, en haut, l'avait coupée. Il gardait les chèvres, là haut" Je passai devant la télévision allumée pour aller m'allonger près de la véranda. Une femme, à la coiffe au turban d'un rouge magnifique et au visage plissé, décrivait ainsi, comme neutre, le meurtre de son fils. Elle s'était inquiétée, l'avait attendue au bas des collines, à la ferme. Un instant déchirée et prise de vertiges, j'imaginai comment je pourrais être s'il s'était agi de mon fils. Puis l'image avait passé, d'autres sons étaient déjà dans la pièce.
Il me semble que les temps se rétrécissent sur notre Terre, ou explosent . tant et tant de mondes, d'imaginaires et de réalités brutes nous traversent à la fois.
"Tout existe partout, de tout temps, en même temps, relié à tout" dit le mystique, c'est aussi ce que m'apprenait mon père, quand j'étais enfant, mais le temps alors était allongé, distant, entre une histoire ou un événement de ma petite vie. Dès lors, ma vie me paraît loin derrière, effacée ou transparente c'est selon, derrière les myriades d'autres vies, d'autres histoires dont j'ai connaissance.
Le cerveau qui veut simplifier, n'en peut plus de ne plus rien saisir.
Pourtant l'Histoire se répète : j'avais astucieusement amené dans mes bagages pour Dubaï, Samarcande de Amin Maalouf, que je n'avais jamais lu ( "Ce soir là, le vent d'Ispahan porte un vert parfum d'abricot".) Il relate avec tant de poétique précision les 3 figures éternellement revisitées qui se côtoient en terre d'Islam depuis des siècles : Nizam-El-Molk, le vizir, Omar Khayyam, homme de savoirs et de foi, tant pourvu de grâces, et Hassan Sabbah, homme de croyances, qui impose la "pureté" de la foi au monde, fondateur de la secte des Assassiyoun, autrement dit les "fondamendalistes"! !!
C'est ce sur quoi je méditai à l'ombre d'un arbre, à la Prosteria, à Dubaï downtown, devant la somptueuse Tour de Burj Khalifa, il y a une semaine maintenant.
Au terme de mon séjour, je quittai DubaÏ à 0h55, et à 9h30, le taxi s'arrêtait devant ma porte à Aix !