le 16 janvier, à la Cité du Livre, Elizabeth Rallo Ditche a présenté fort brillamment les fondements invariants du mythe de Don Juan, en préparation du Festival de juillet 2010, dans cette belle ville d''Aix en Provence.
dès qu'elle a évoqué les sources orphiques du mythe de Don Juan, mon âme s'est échappée dans le paysage imaginaire de "ma" Grèce mythique intime : Don Juan/ Dionysos, figure du Désir (et de l'ivresse) face à Orphée/ Apollinien, figure de l'Amour, déchiré par les Ménades sauvages et lubriques, furieuses de la plainte unique d'Orphée pour la perte d' Eurydice ; Eurydice qu'il avait perdu une seconde fois en la ramenant des Enfers, justement parce qu'il s'était laissé saisir, mouvoir, par le "désir"...et le doute !
j'ai tant de fois, dans mes plus jeunes années poétiques, répété en esprit cette lente remontée d'Orphée suivie du corps que j'imaginais diaphane, transparent et si intensément vibrant d' Eurydice, silencieuse ou implorante - c'est selon, il y a des versions différentes.
j'ai retenu 2 aspects majeurs de la belle explication donnée ce jour du Don Giovanni de Mozart :
- les caractéristiques de la figure du séducteur illustré par Da Ponte et Mozart : bien sûr la figure tragique qui allie la "toute puissance" dionysiaque et la vacuité de sa course en avant qui en fait une "marionnette" insatiable du désir, de l'accumulation, de la répétition et de la liste, sans autre goût que celui du prédateur : une figure "vide", "en miroir", dont le premier attrait consiste à renvoyer l'image que l'autre veut donner d'elle ou de lui, le mode injonctif doux et ferme de sa parole, sans échange possible de points de vue ("viens, tu me diras oui", dit-il à Zerline), et surtout bien sûr, le statut "d'objet" qu'il impose à l'autre... l'amour, en face est tellement plus exigent, qui impose une relation, toujours à reconstruire, "de sujet à sujet" !
- l'esthétique du "sublime" qu'incarne la figure d'Anna, qu'on ne retrouve plus jamais dans aucune des oeuvres modernes, après le XVIIIème siècle : le déchaînement d'émotions contradictoires poussées à son paroxysme, les entrailles déchirées, tiraillées, broyées entre des passions contradictoires dévoratrices : la haine et l'envie de tuer l'autre, en alternance avec la pitié et la compassion pour l'autre, l'envie de protéger et de pardonner!
Au dessus de la rampe de l'amphithéâtre de la Verrière où un écran passait des extraits du Don Giovanni devant l' auditoire religieusement attentif des fans de Mozart, quelques jeunes venus du quartier voisin s'appliquaient à leurs superbes figures dansées acrobatiques, plutôt silencieusement : 2 cultures, 2 univers juxtaposés; que prend chacun de l'autre ?
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