En ce jour de mai radieux à Aix, où des ombres aux lignes adoucies caressent les murs poreux et pleins de lumière, en face de ma fenêtre grande ouverte au grillage fleuri, j'ai envie d'évoquer ce qui a fait l'attrait furieux que j'ai eu pour cette ville, dans la période de sa toute première découverte, il y a trois ans maintenant.
Partout, j'y vivais en poésie, les rondeurs des angles de ses murs me bouleversaient et m'émeuvent encore, l'aspect chaotique du revêtement de ses rues, ses teintes jaunies, rosées, ocres vifs, ou beigasses, l'eau de ses fontaines, souvent salie des déchets des passants peu soucieux, mais encore virginale aux matins clairs, et, plus que tout, la couleur de ses nuits !
A la tombée des nuits, les lumières orange des places rehaussent le bleu violine profond du ciel au dessus des toits; il devient du velours, fin et soyeux, inondant d'extase mon coeur, ma tête et mon corps; le ciel alors berce la ville de douceurs : c'est comme si le centre d'Aix s'isolait du reste du monde dans un écrin de magie vibrante.
Un soir de juin, où je revenais de Paris, vers minuit, tirant derrière moi, depuis la gare routière, la mallette à roulette de mes documents et ordinateur, j'arrivai au centre, vers la place Richelme, et, au pied du bâtiment des anciennes halles, sur un son très doux de tango, branché sur un poste à même le sol, des couples dansaient sur le pavement lisse : on aurait dit qu'ils glissaient, presque en silence, avec l'application et la ferveur des novices, indifférents aux bruits des passants ou des buveurs aux terrasses.
Je restai, pantoise, ravie, tellement heureuse d'être ici, et d'assister comme à un spectacle oublié et pourtant inoubliable. Il était un peu plus de minuit, et je me retrouvai quasi dans l'état de ce Japonais émerveillé, que nous avions surpris seul sur la place des Doges à Venise, une nuit d'hiver glacée ; de joie, il poussait du pied une canette de Coca Cola, et son bruit tintinnabulant nous avait alertés, nous qui arrivions tous deux aussi, à l'orée de la Place, dans l'ardent désir de la saisir, seuls : nos rires, à tous les trois, ont traversé les coupoles gelées.
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