Je découvre cet extrait d'une lettre de Louis Destouches, alias Céline, qu'il écrivit du Cameroun, datée entre juin 1916 et avril 1917:
" C'est par les odeurs que finissent les êtres, les pays et les choses. Toutes les aventures s'en vont par le nez... Alors l'odeur venue d'Afrique, nuit après nuit, s'est estompée. Il me devient de plus en plus difficile de retrouver son lourd mélange de terres mortes, d'entrejambes et de safran pilé"
A contrario, "il me souvient" pourtant ( c'est la tournure qu'affectionnait mon père puisque c'est lui que je vais évoquer ) que des odeurs peuvent surgir étrangement, à notre insu.
Un an après la mort par accident de mon père, je traversais en voiture le pont de Saint Cloud, et j'ai senti soudain l'habitacle inondé de "l'odeur" de mon père ; je me sentais moi même tellement enrobée de sa présence que je me retournai pour vérifier...son absence, et que je lui parlais, mue par l'absolue sensation de sa présence; obsédante, dense, intense, forte, douce et chaude, l'odeur disparut, aussi soudainement qu'elle était apparue, quand j'arrivai aux abords du Bois de Boulogne.
Cet événement ne m'a jamais apparu une hallucination, même si j'ai pu traduire que mon père s'était "manifesté" à moi par ce qu'il y a à la fois de plus subtil et de plus dense de l'émanation de son corps, habituellement pourtant ce qu'il y a de plus labile et évanescent, surtout en l'absence de tout support matériel ou physique.
Fréquemment ensuite, à plusieurs périodes de ma vie, des parfums m'ont envahie, toujours magnifiques, quelques minutes, parfois quelques secondes, comme par rapt, ravie au sens littéral du mot, transportée, parfums toujours denses de violettes d'iris, de pivoines..au sein de rues urbaines, parfois nauséabondes, et que je semblais toujours seule à saisir parmi les compagnons du moment.
Je hais l'odeur détestable de l'haleine de la peur et des doutes, quand le foie n'est plus le siège de la foi ! jeu de mots facile, et pourtant!...
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