C'était un dimanche d'avril de cette année, un de ces dimanches radieux de printemps aixois.
De loin, une silhouette légère appuyée sur le rebord de la fontaine à la colonne au centre de la place, en pleine lumière, puis un rire quand je m'approche, un rire qu'on n'oublie pas quand on l'a entendu une fois, un rire d'acceuil et de bienveillance - pour Chris, son rire est un signe de reconnaissance, comme d'autres le sourire , le pli sous l'oeil ou la démarche...- Je m'appuie tout près d'elle sur la margelle fraîche, nous regardons ensemble la place, elle m'explique, du coin de l'oeil, comment elle m'a laissée la chercher de loin; soudain elle me regarde, et sans que je m'y sois attendue, elle me tend un bouquet de pivoines qu'elle avait choisies closes et que je n'avais pas vues dans sa main gauche !
Ce bouquet de pivoines offert avec une telle grâce - nous découvrons alors toutes deux que ce sont nos fleurs particulièrement aimées - a suscité en moi un effet que j'ai du mal à discerner encore ; mélange du sentiment si rare et si plein de connivence, écho sororal, et de l'émotion si précise que provoque en moi la teinte de ces fleurs, teinte encore plus pure et plus vibrante de celle de la "fleur de pêcher" dont parle si bien Rudolph Steiner quand il reprend le Traité des Couleurs de Goethe, une teinte parfaitement spirituelle.
Je les ai gardées longtemps sur la table de ma chambre, elles se sont ouvertes lentement avec un parfum très suave et fort, et je les ai laissées se déssécher jusqu'à ce qu'elles deviennent friables pour qu'elles portent encore à mon regard du matin la mémoire de cet instant.
La suite de notre rencontre est comme toutes nos autres rencontres, avant et après celle ci : pour moi, une présence vive, franche, entière, légère et dense à la fois, où s'acceptent dans la confiance tous les possibles de l'autre. une amitié féminine.
Il s'agit là d'une photo prise par un autre ami très cher, Roch Debaste, à Forcalquier, chez lui, un jour de 2009
Commentaires