Immobiles, les rangées doucement irrégulières et courbes des tuilles romaines du toit d'en face font comme des vagues devant ma fenêtre : chaque jour, j'y vois la lumière mate prendre des nuances de roses, de verts d'eau, de gris poussière et d'ocres.
Ce matin, 4 pigeons en randonion et de profil sur le faîte : trois semblent fixes face au soleil plein du jour et l'un d'entre eux ne cesse de s'épousseter ou de s'épouiller, c'est selon : j'aime ce paysage sobre et simple, si mouvant pourtant, de mes jours de travail : ce qui me tient lieu de table est contre la fenêtre, le toit d'en face est légèrement en contrebas de mon buste et de la ligne d'horizon qui borne au loin souvent vaporeux le territoire aixois et offre un socle incertain à la vastitude du ciel : une superbe proportion : 1/4 de toit, 3/4 de ciel. Le soir, le soleil s'y couche; j'assiste souvent à ce drame merveilleux de la disparition si rapide du globe rouge derrière l'horizon soudain noir.
vue de ma fenêtre un matin de novembre 2011
Bref, mon lieu de travail est exceptionnellement propice à la méditation : j'y mesure les passages du vent, de la lumière, des heures, des jours; j'en ressens le silence et le calme comme une protection; je peux souvent être là, face à la fenêtre, transparente, légère, traversée par les seuls mouvements dans le ciel des oiseaux, des nuages rares et des sillages bi ou trimoteurs des grands avions voyageurs.
C'est là que je console mon agitation : il y a quelques jours, j'évoquai avec Caroline Guidetti le cycle maniaco-dépressif où se sont enfermées nos sociétés modernes, celui que dénonce Patrick Viveret qui a si bien analysé la névrose de l'univers financier moderne qui oscille constemment de l'euphorie à la panique ; je me suis surprise, depuis deux mois particulièrement, à m'agiter moi-même plusieurs fois par jour, d' un état d'excitation à un état de mini dépression, d'abattement voire d'épuisement ! J'ai subi les pressions ordinaires de notre monde malade et je me regardais parfois comme un animal anxieux...C'est le couple intensité -sérénité dont il s'agit de rétablir le rythme, en chacun et collectivement, à un autre niveau de conscience, humain, cette fois -ci !
Fontaine de la place de l'archevêché à Aix- en- Provence, un jour d'aôut 2011
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