Ce pays éclaté, éclatant et sombre, tellurique et marin, vivant de ses innombrables secousses et de ses universelles pensées, que serait mon imaginaire sans la Grèce, ce confluent de tant d'histoires d'Orient et d'Occident, cette terre baignée du sel de la Méditeranée, inondée d'une lumière dense la plus pure, immergée dans des bleus profonds et des bruns âpres, retentissante du braiement de ses ânes dans ses ïles sonores ?
Que serait mon imaginaire sans Délos abandonnée, sans Cythère, à jamais "embarquée", sans Athènes engloutie de poussières vrombrissantes, bercée du son des abeilles de l'Hymette et nimbée "de la plus belle teinte de fleur du pêcher" ?
Que serait mon imaginaire sans ses mots qui ont créé les nôtres, sans sa langue, souple, fluide, intelligente, rythmée, qui épouse les sens, les sentiments et la belle raison ?
Que serait mon imaginaire sans la blessure de la Grèce, celle que je ne saisis jamais, celle de ses habitants aujourd'hui, et celle d'Antigone si chère à mon coeur, ma soeur - "ou ton sunechtein alla sumphilein ephun : non, je ne suis pas née pour partager la haine, mais pour partager l'amour"- la Grèce, un des nombrils du monde, un goufre noir au coeur de l'éclat de ses blancs et de ses bleus ?
* " Où que me porte mon voyage, la Grèce me blesse", poème de Giorgos Seféris ..."Pendant ce temps, la Grèce voyage, voyage toujours...Nous ne savons pas que tous nous sommes marins sans emploi...le Pirée s'obscurcit...le bateau siffle, il siffle sans arrêt, et sur le quai nul cabestan ne bouge...granit dénudé...le bateau qui s'avance s'appelle "Inconnu" !
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