1er dimanche de mars 2014. Il est 15h 30. Temps glorieux d'Aix, et ce bleu léger uni du ciel que je ne connais nulle part ailleurs.
A la terrasse du Café "les Cardeurs", face à la fontaine moussue toute rutilante de perles d'eau qui suintent, je ferme les yeux au soleil, appuyée contre le mur chaud, calfeutrée dans mes foulards. Je les ouvre sur une page drolatique du livre d' Edouard Launet, "Au fond du zoo à droite", que j'ai pris rapidement en partant, avec le "Dialogue" à relire de François Cheng. Il rend compte avec talent, légèreté et humour, des ébats minutieux de chercheurs humains face aux cafards, pieuvres, frelons asiatiques, moustiques et manchots ensommeillés, moutons de Nouvelle Zélande, puces, caméléons et autres moucherons...retranscrits dans de prestigieuses revues scientifiques.
Le jeune couple de la table à côté s'ennuie, leur dialogue est insipide, ils cherchent des mots à dire, le garçon ne sait plus comment draguer la fille...l'érotisme n'est plus ce qu'il était...- "En noir, tu dois avoir chaud ! " -silence.. -" Ah, tu as mis tes lunettes de fashion victim ! "...silences, rires gênés..." Tu as déjà fait de la plongée, toi ?"- "Non" -" C'est facile, dans l'eau tu flottes, c'est tout, c'est comme dans l'espace, tu es en apesanteur, c'est top ! " -"Ah ouais ! "... Ils n'arrivent pas à bouger. Chacun tape de son côté sur son portable et lorgne son écran en se cachant les yeux du soleil. Enfin, elle montre un clip à son copain, et enfin ils ont l'air de s'intéresser ensemble à quelque chose !
C'est l'heure de détente à Aix. Je ne veux rien d'autre que ce moment. J'aime ces moments de vacuité, de chaleur, où montent les simples bruits du monde, tandis que tout éclate ailleurs : aujourd'hui, la Syrie, toujours, l'Ukraine, la Crimée, l'Afrique et les viols de guerre des femmes et même des toutes petites filles... l'horreur quotidiennne qui vient à nos écrans ! Et le bleu léger qui devient plus intense, à mesure que le soleil baisse, au dessus de la ligne noire rectiligne qui borde le toit de la mairie d'Aix.
Et pendant ce temps là, certains piquent-niquent en l'air !
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