Dans ce pays du Grand Couchant je redeviens une enfant. Mes sens plus qu'ouverts, en extase, se gorgent des infinis "détails" de l'univers : tout ici, le monde dans son entier, s'ouvre à mes oreilles, mes yeux, mon nez et ma bouche, mon palais et ma gorge, ébahis.
FES, Jardin Jnan Sbil
Chaque "détail" est le monde, comme le représente l'infinie répétition du schéma de la multiple étoile qui orne les bois et les pierres des édifices de Fès.
Le cœur ouvert, tôt un matin de ce début de mai, j'entrai dans le jardin Jnan Sbil - le "Verger du Destin" me dit Abdelwahab - Sbil comme Sybille me dis-je alors. Ce rapprochement que je fis, même erroné peut-être, a mis mon âme au bord des yeux. Ce n'est pas la première fois depuis que le bon hasard nous a mené à Dar Andalous, chez Naoual Ammor, aussitôt devenue sœur. Dar Andalous, lieu où je me sens toute entière comme protégée - ce sentiment de protection supérieure, qui vient du ciel couvrant un lieu de beauté pure. Du ciel de Fes, des milliers d'oiseaux se répondent, jour après jour, de terrasse en terrasse.
Dar Andalous,, le patio
Voir l'article de Khadija El Fathi :http://www.alarabiya.net/ar/
Dans ce jardin, tout m'arrête, tout me rend curieuse, tout est inexprimable, les clochettes aérées rouges et blanches d'un taillis, le long cactus-phallus qui semble de velours, pourtant hérissé de milliers de minuscules épines, l'oiseau niché là, le chant des palombes dans le matin frais, et le sous-bois de la bambouseraie, l'eau boueuse encore du lac, l'île aux palmiers qui me fait penser à l'île Éléphantine des bords du Nil que je ne connais pas, et ces multiples formes de feuilles, l'abeille au cœur de la dernière fleur blanche de la fin du printemps. Comme le poète s'étonne de ce que les plaisirs de l'amour ne laissent pas de traces sur le corps, je goûtai l'empreinte évanescente des choses vues, et je constatai, naïvement, que chaque regard porté, chaque son emporté, est à jamais unique. La vie est infinie pour celui ou celle qui a le cœur ouvert. Le Jardin du Destin me l'a appris encore et encore, ce matin.
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