C'est le nom par lequel elle a voulu se désigner, pour signer le roman qui est paru récemment aux Editions LEA .
Il ne faudrait jamais lire un roman dont on croit connaître l'auteur ! Depuis avant hier où j'avais commencé de le lire dans le train qui me ramenait de Paris à Aix-en-Provence, je m'agaçais en me rendant compte que, malgré moi, je ne cessais de superposer sur Caroline, le personnage central, les sensations, émotions, anecdotes, impressions que je croyais re-connaître de mon amie.
Il me reste un très vif souvenir de notre toute première rencontre pourtant en des temps immémoriaux, à l'orée de nos vies et de nos choix libres de jeunes adultes. Les années 70 ! Je venais d'arriver à Urbino, après un voyage en train de plus de 24 heures avec toutes sortes d'étapes depuis Paris, en passant par Gênes puis de l'autre côté de l'Apennin un tortillard jusqu'à Pesaro. Au guichet de l'hôtel où notre petit groupe international et expérimental d'étudiants en sémiotique devait résider pendant plus de 6 mois, le réceptionniste me dit aussitôt que vient d'arriver "une autre française", et avant même que je ne laisse mon bagage dans ma chambre, je frappais à la porte de la sienne.
Le visage formidablement ouvert, le corps toujours en mouvement, des couettes rondes et blondes alors, bien coiffées à l'alsacienne sur les oreilles, un timbre de voix rieur, si unique, clair et éraillé à la fois, un débit rapide, vif, chantant, avec des inflexions étranges, passant du très grave à l'aigu parfois strident, elle me fut immédiatement sympathique. Elle m'apparut, je crois dès le premier contact, comme un composé inattendu de sortes d'éclats d'être, mélange de nostalgie profonde et de vitalité vibrante. A mesure de nos rencontres, j'ai toujours retrouvé les mêmes sensations multiples de sa présence surprenante, tout à la fois naïveté primesautière et lucidité radicale, fébrilité douloureuse et jovialité insatiable. Et ces multiples facettes vibrent au même diapason, avec pourtant une détermination intraitable, de sorte qu'elle entraînait dans son sillage toutes sortes de personnages, très divers d'âges et d'origines, fascinés sans doute comme je l'étais. Une heure après, nous avions rejoint toutes deux son professeur, Christian Metz, dont la mèche blonde s'éclairait sous la faible loupiote du cinéma d'Urbino.
De près en loin, de stations en épisodes, nous nous sommes suivies...
Oui, il s'agit bien d'un roman ! Et pour un 1er roman, il a de la grâce. Peu importent les quelques fragilités relevées, un autre oeil que le mien les aurait vues ailleurs. La narration est très maîtrisée : elle mène le lecteur au coeur d'une situation de crise, d'une étape à l'autre, de façon si authentique qu'il est impossible d' arrêter l'envie d'en découvrir le flux et que la clôture de fin m'a semblé, dans sa brutalité apparente, toute d'évidence. Lucidité, étourdissements, nuances, doutes, contradictions, illuminations, rien n'est épargné de la complexité redoutable des sentiments et des situations, mais ce que Charlie G a su faire mieux que tout, à mon avis, c'est d'incarner la capacité de chacun de nous à vivre des mondes parallèles, des imaginaires contradictoires, déchirés, au fil banal des jours.
Avec de la reconnaissance, je l'ai lu comme un témoignage de liberté et de pacification progressive, un exercice véritablement littéraire de lucidité poignante et vivante proche, dans certaines pages, de l'esprit de Virginia Woolf.
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