Depuis fin 2006, date de ma venue en Provence, moi qui ai tant aimé les voyages, je suis sédentaire, d'une façon qui m'est encore étrange. La Sainte Victoire est mon horizon réel, et la Sainte Baume, un autre horizon, plus lointain, plus rarement exploré, mais toutefois p,lus familier dans mon imaginaire.
La Sainte Victoire est une site extra-ordinaire (je n'évoquerai pas la Sainte Victoire de Cézanne dont la présence sur la toile m'a bouleversée, il y a plusieurs années lors d'une exposition faite au Grand Palais, sans que je pense jamais vivre sous sa perpétuelle garde) : sa blancheur vibrante souvent m'apaise, ses changements constants de teintes, de loin sous les cieux azurés d'Aix, donnent corps à mes heures et mes jours et les inscrivent dans ma chair et mes sens; c'est une montagne sauvage, mâle, abrupte, rupestre, qui m'évoque le temps des dynosaures - elle indique pour moi l'échelle des temps -, un lieu d'énergie virile, assez tourmenté avec parfois des laves ruisselantes de terres ocres-rouges magnifiques, mais qui n'invitent ni à se lover ni à se confondre en elles.
Sainte Victoire vue de Chateau Neuf le Rouge
A contrario, l'image que je me fais de la Sainte Baume est toute féminine, secrète, mystérieuse, ronde, sauvage aussi mais douce, généreuse, permettant l'abri, le repos et les rêves mystiques.
Thierry Blondeau m'a demandé d'écrire sur le nom de la Sainte Baume dans son dernier petit guide de pays. J'ai eu grand plaisir à divaguer ainsi :
"Sainte-Baume", nom qui évoque communément la sainte "grotte" , issu de l'occitan "baoumo", qui désigne d'ailleurs plutôt un "abri sous roche", et qui serait lui même apparenté au nom commun féminin gaulois :"baou" (rocher), attesté souvent en toponymie : bien des lieux en France ont reçu ce beau nom de baume.
Et pourtant, cette seule étymologie me semble insuffisante pour désigner l'étendue des évocations reliées à cette Montagne Sacrée de la Provence, le coeur du coeur du coeur de la Provence, entend-on parfois. Sacrée sans doute depuis l' époque archaïque païenne lointaine, ensuite lors de la période antique, avec un culte attesté à Artémis, déesse vierge et chasseresse, mais aussi déesse de l'accouchement et des sages-femmes, avant le culte chrétien à la si belle figure de Marie-Madeleine : c'est une montagne dédiée aux femmes, à leurs savoirs, à leurs mystères.
J'ai donc plaisir à croiser les étymologies quand il s'agit de la Sainte Baume odoriférante de tant d'essences et de résines, et à penser au " baume" plus qu'à la grotte, celui qui vient du nom grec "balsamon", et qui convient si bien à Marie-Madeleine : pour elle qui panse les plaies du Christ avec ses parfums, quelle autre montagne pouvait l'acceuillir, chargée des parfums qui s'exhalent des plantes ? N'y a t'elle pas trouvé le repos dans cette Montagne si prête à offrir du baume à l'âme et au coeur, elle la consolatrice, l'adoucissante, la calmante. Comment ne pas évoquer aussi à ce nom l'onguent et la sainte huile qui guérit les blessures de l'âme et du corps ?
+ voir le guide 213 du pays de la Sainte Baume : Téléchargement Guide-pays-2013
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.