Plus de deux mois où je n'ai pas pris le temps de reprendre ce blog !
Juin-Juillet, maintenant si éloignés pour moi en cette fin d'août encore brulé et dont les sons de la vie active viennent étouffés, les après-midi où l'on cherche à jouir encore de la touffeur de l'ombre. Si je les rappelle à ma mémoire, je perçois des temps longs de patience, souvent différée - rien de ce que je prévoyais ne venait à temps, ou plutôt , je me sentais toujours sur le qui-vive des contretemps - hors quelques îlots d'espace-temps inattendus, comme suspendus, apaisants, détendus et parfois joyeux : fin juin, 2 jours de congrès CJD à Avignon, appelée par ma collègue et amie Bénédicte Humblot, pour l'assister au pied levé dans un Atelier, au coeur du Palais des Papes, sur "l'agilité d'entreprise" - cette batisse carrée, lourde, qui m'a parue à la fois obséquieuse et dissimulatrice, a résonné pour moi de beaucoup d'instants de vivaces échanges.
Juillet, j'échappai à une charge quotidienne obstruante, opacifiante, dans les heures où le temps se dissout, celles des master-classes des midi où se donne l'excellence des maîtres, celles des concerts du soir à Maynier d'Oppède, et quelques autres très gracieuses de rencontres avec des artistes chaque année plus talentueux...Le dernier dimanche de juillet où je traversai la place de l'Archevêché soudain vide après le Festival , une sensation de désolation s'était installée.
Août, abruti de chaleur : 17 jours! 17 jours intenses entre la terrasse tropézienne de la maison de ma fille et le plan d'eau du village. Ribiers qui , comme son nom l'indique est construit sur les rives du Buëch, est l'asile où, depuis la naissance de mon premier petit-fils je retourne, et vis plusieurs jours immobiles, où se conjuguent pour moi vacuité et agitation.
Cette vacuité tant désirée, cette belle vacance de l'esprit et des sensations, je l'ai pleinement goûtée encore par la lecture que me permettaient mes pauses entre deux agitations : ce bonheur des voyages immobiles je ne le trouve pleinement que pendant ce mois où sont rompues toutes informations d'actualité du monde. Je ne me suis privée de rien et passai allègrement de Madame de la Fayette, à Proust, à Colette reporter des années 1913, aux "Sourates pour Dubaï" écrites fort bien par Jean-Manuel Traimond, au "Sacrement du langage", essai philosophico-anthropologique de Giorgio Agamben qui renouvelle la recherche sur "les mots et les choses" (ou plutôt sur le dictum et le factum), puis à Lionel Naccache, pour sa recherche de neuro-sciences : "de quoi prenons nous conscience ?". Proust avait déjà écrit : "la raison n'ateint pas les régions profondes où gisent les croyances" mais ce que révèle Lionel Naccache est que le processus d'accès à la conscience est issu d'un tissu de " FICs"/ Fictions-Interprétations-Croyances, "l'esprit a horreur du non-sens" et le cerveau n'hésite pas à inventer du sens là où il n'en trouve pas immédiatement!)
De toutes les phrases lues, rien ne m'a paru plus dense ni plus fluide comme la vie, que celle de Proust, qui contient en elle l'univers et le temps enseveli et "pourtant là, au milieu de nous, approché, coudoyé, palpé, immobile, au soleil" : dernière phrase de son petit essai : "sur la lecture".
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