Non loin de la gare de Sidi Slimane Medina, c'est là que la vraie sensation de voyage commença pour moi, ce soir là. Nous avions choisi de venir par le train de Casablanca à Fes.
La lumière orangée rose du soleil au couchant irradiait la masse des nuages gris perle au loin. Le vert de l'herbe était intense, un vert radieux avec du jaune solaire. Ce fut ensuite la ligne d'horizon noire des collines près de Meknès, avec une légère ligne rosée tout le long des bordures avec ce qui restait encore du bleu du ciel. Puis vint la nuit noire, si complète, rassurante, avec quelques lumières à l'approche des villages. C'est alors que ma vraie détente commença...
Juste étonnée à l'arrivée à Fez par l'odeur du gazoil que j'avais oubliée, quand nous prenions le petit taxi pétaradant dans le trafic de la ville neuve.
Posés là devant Derb Bennani.
Cette lumière orangée safranée rose, je la retrouvai le lendemain derrière mes paupières, quand le soleil m'arrosait de ses chauds rayons sur la terrasse d'Al Andalous. Ce matin là, tandis que je cherchais à apaiser les rythmes désordonnés de mon corps, les yeux fermés et les oreilles grandes ouvertes, je découvrais l'univers sonore de la ville de Fez. Les chants d'oiseaux d'abord, si divers : trilles, sifflements longs ou brefs, pépiements, caquètements, jacassements et même croassements, épars, parfois seuls à couvrir l'étendue de la ville....le bruit d'un marteau, un klaxon de loin en loin, étonnamment rare, quelques voix fortes, d'hommes, comme des cris, qui s'élèvent et se cassent soudain..Pas de ronronnement de voitures, uniquement des sons et des bruits qui donnent de la profondeur au silence, à l'air et au ciel sur les collines. Oh ravishing delight !
Le festival de la Culture soufie, pour lequel nous étions venus, était suspendu à une date inconnue, mais tout le souffle du monde m'enrobait sur cette terrasse. J'étais seule, envahie des âmes vivantes qui nourrissaient cette ville encore sacrée. Et dans ma pauvre ignorance, j'invoquai Maimonide, Averroès et Ibn Tofail, qui avaient vécu là, avec la même brise, le même air doux et chaud d'octobre, la même lumière sans fumées d'usines. Dans cette ville où les timbres des voix et de quelques rires, où le chant du coq à 11 heures du matin, sont si distincts et clairs qu'ils couvrent, quand ils viennent avec le vent, les bruits sourds de fond de la ville moderne.
J'aime ce mot de "délices", on surnommait mon grand père "le délicieux", je vis ici un temps délicieux, comme une pause, un arrêt, ou plutôt un surcroît d'être.
Et que dire de cet instantané de couleurs, arrangé pour mon œil de façon si intense et surpris en descendant de Bab Boujloud vers la Medina ?
Instantané, en descendant de Bab Boujloud